Scandale à Beaumont le 1er mai 1843, pour la fête du Roi Louis Philippe 1er.

Nous sommes en 1843. Monsieur Meriot est Maire de la commune de Beaumont. MM. Garnier, Berger, Juttau, Andrault, Delhomme, Babin, Sebilleau, Daveau et Berger forment le Conseil Municipal.
Le 3 Août, le Conseil se réunit pour traiter d’une affaire de la plus grande importance. Voici la transcription du compte rendu de ce conseil.


Le Conseil Municipal ne croit plus devoir rester étranger à un fait qui a acquis, par les circonstances qui l’entourent, un degré d’importance et de gravité digne de l’attention de l’autorité supérieure.
La France a le bonheur d’être gouvernée par un Roi dont le sort est lié à celui de la révolution de 1830. Sa fête doit être une fête nationale. L’Evêque du Diocèse de Poitiers a adressé à tous les curés et desservants de son ressort,  un mandement qui renferme pour le Roi et sa famille l’expression des plus nobles sentiments, le mandement leur prescrivait en même temps l’obligation de dire le premier Mai une messe à l’occasion de la fête de Mai.

Le 30 Avril, le sieur Dauphin, desservant de Beaumont, sans lire le mandement de son Evêque, s’est borné à annoncer que le lendemain premier Mai à 8h30, il serait chanté une messe à l’occasion de la fête de Mai.


A l’heure indiquée, la Gendarmerie et plusieurs fidèles se rendirent à l’église et attendirent le Curé jusqu’à 11h. Le commandant de Gendarmerie, ignorant les motifs de ce retard prit le parti de se rendre au Presbytère. La sœur du Curé lui apprit que son frère était depuis la veille chez Mr le Marquis de la Rochethulon ; qu’elle lui avait envoyé son cheval par son domestique, avec ordre de le prévenir que plusieurs personnes l’attendaient ; que le domestique était de retour et qu’elle pensait bien, d’après ce qui lui avait été rapporté, qu’il était fort inutile de l’attendre, que son frère était occupé à bénir la Chapelle de Mr le Marquis.
La cérémonie annoncée pour la fête du Roi n’a donc pas eu lieu, les fidèles se sont retirés ; l’impression produite par la conduite du curé a été vive.
Il n’est que trop vrai que dans le Diocèse de Poitiers, une partie du clergé nourrit des idées contraires à la révolution et à l’auguste monarque, qu’il conserve des regrets pour le déplorable esprit qui animait la restauration et qui tendait si évidemment à faire entrer l’état dans l’église, et à donner au clergé un pouvoir dont il avait si odieusement abusé sous l’ancien régime.
M. le Curé de Beaumont est-il animé de cet esprit ? Aurait-il ces regrets ? C’est ce qu’on serait tenté de croire en examinant la scandaleuse conduite qu’il a tenue à l’occasion de la fête du Roi.
L’autorité a paru s’émouvoir au récit de ces faits, elle a demandé des explications, une réparation. Le curé avait à se défendre ou plutôt à s’excuser. Il a essayé de rejeter sa faute sur des circonstances indépendantes de sa volonté au lieu de la reconnaître avec l’humilité qui convenait à un ministre de la religion, surtout quand il a commis une faute avec connaissance de cause et intentionnellement.
Ces assertions sont graves et ont besoin d’être justifiées. C’est ce que le Conseil Municipal va faire en s’appuyant sur des circonstances irrécusables.

Eglise Notre-Dame de Beaumont


Le curé de Beaumont avait pris deux engagements pour le même jour à la même heure : celui de chanter une messe en l’honneur de la fête du Roi et celui de bénir la nouvelle chapelle que M. le Marquis avait fait construire au château de Baudiment.

Or le curé donne la préférence à la bénédiction de la chapelle et il s’inquiète peu d’une cérémonie qu’il a lui-même annoncée en l’honneur du chef de l’état.
Donc pour se défendre le curé prétend que la matinée du premier mai a été marquée à Beaumont par une pluie battante et qu’il n’a pu retourner à Beaumont. Sa mémoire le sert fort mal, cela est faux. Il n’est pas tombé une goutte de pluie depuis les sept heures jusqu’à 11 heures du matin. C’est un point établi par une enquête et ceux qui ont assisté à la bénédiction de la chapelle pourraient y réunir leurs témoignages, car au moment où le prêtre doit rester seul dans l’édifice, tous les assistants sortent et se tiennent dehors, pas un n’a dû se mouiller.

Il est fâcheux qu’un ministre de la religion ait eu recours à un semblable moyen de défense. Il avait  à sa disposition tous les moyens convenables pour revenir à Beaumont. M. le Marquis ne lui aurait certainement pas refusé l’assistance de sa voiture et d’un conducteur ; et d’ailleurs la meilleure preuve qu’on pouvait très bien voyager, c’est que sa sœur lui avait envoyé  un cheval.

Le curé de Beaumont fait valoir un autre  moyen d’excuse qui ne doit pas obtenir plus de succès que le premier. Il prétend que les années précédentes il avait annoncé la cérémonie et que personne ne s’y était rendu. Il paraît certain au contraire, ainsi que le prouve l’enquête, que le curé n’a ni annoncé ni célébré la cérémonie et que c’est le motif qui a empêché d’y assister.

Mais au fond, est-ce bien sérieusement qu’un prêtre viendrait prétendre qu’il pourrait se dispenser de dire une messe pour le Roi parce qu’il n’y aurait pas tels ou tels assistants ? Le but de l’auguste et sainte cérémonie annoncée par le prêtre se résumerait-il donc en une pompe purement mondaine ?

Vous ferez certainement voir ainsi toute notre répugnance à invoquer la bénédiction du Ciel sur la tête du monarque qui gouverne les destinées de la France avec tant de sagesse.

Il n’y avait qu’un moyen pour le curé de Beaumont de sortir honorablement  du mauvais pas dans lequel il s’était engagé si témérairement ; C’était d’avouer en toute humilité ses torts et d’en demander pardon à ses supérieurs et surtout à ses paroissiens.

Au lieu de cela il a cherché, par des démarches équivoques  et en semant sur la moralité des témoignages des doutes que des consciences peu éclairées pourraient mal interpréter à dissimuler la vérité.

Le Conseil Municipal croit de son devoir de signaler à l’autorité les faits et les observations qui précèdent en protestant contre les fausses excuses données par le sieur Dauphin, desservant de Beaumont. Cette démarche du Conseil Municipal est motivée par la crainte des fâcheuses conséquences que peut entraîner la conduite déplorable du curé Dauphin sur le moral de ses paroissiens.  

Dossier recueilli par Ghislaine BRINGER

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